Alternative(s)

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Lorsque concertation sociale ne rime plus qu'avec concessions sociales, pas d'autre choix que de faire changer la peur de camp!

Pierre Larrouturou, du collectif Roosevelt (notamment), lance une réflexion sur Twitter concernant la robotisation dans les PME, en disant ceci: "les robots débarquent dans les entreprises. Si nous ne passons pas à la semaine de 4 jours, combien de chomeurs dans 10 ans?"

Le problème avec Twitter, c'est qu'on ne peut poster que 140 caractères. Un peu court donc pour bien clarifier que la semaine de 4 jours dont il parle vise bien à réduire le temps de travail collectivement.

Parce qu'une semaine de 4 x 10h, comme en rêvent certains, ne va rien arranger, que du contraire.

On parle bien ici d'une réduction collective du temps de travail à 32h, avec, je l'espère, maintien du salaire. L'idée étant d'utiliser les gains de productivité pour maintenir les salaires tout en réduisant le temps de travail des travailleurs.

Le hic qui apparait de suite, c'est que cette proposition de réduction collective du temps de travail avec maintien du salaire omet une troisième condition importante, à savoir les embauches compensatoires.

Si nous revendiquons cette réduction du temps de travail collective depuis des années, c'est pour permettre aux jeunes et aux chomeurs de trouver un boulot. C'est une forme de redistribution des richesses.

Et c'est précisément sur ce point que je souhaite clarifier les choses. Comment parvenir à nouveau à redistribuer les richesses. La concertation sociale a-t-elle encore un sens?

Il faut se souvenir qu'à la sortie de la seconde guerre mondiale, lorsque nous avons créé la sécurité sociale "moderne" en Belgique, c'est cet esprit de redistribution des richesses qui prévalait.

Le gouvernement et les patrons avaient besoin de main d'oeuvre pour reconstruire le pays.

Le deal conclu était qu'il fallait trouver un équilibre pour redistribuer les richesses produites par les travailleurs entre ce qui allait dans la poche du patron et ce qui allait dans celle des travailleurs (sous forme de salaires et de création d'emplois).

On pouvait à l'époque parler de concertation sociale, puisqu'il s'agissait de trouver un accord entre patrons et syndicats pour redistribuer les gains de productivité.

Chaque fois que les travailleurs permettaient d'augmenter la production et donc le chiffre d'affaires, les profits engendrés devaient être redistribués entre le capital et le travail.

C'est d'ailleurs à l'époque que l'on crée le Conseil National du Travail (CNT) et le Conseil Central de l'Economie (CCE), pour définir comment redistribuer la richesse.

Mais depuis, la concertation sociale a été totalement dévoyée.

D'une concertation rimant avec redistribution, on est passé à une concertation rimant avec compétition.

Compétition entre travailleurs de pays différents, à l'Etat qui propose les travailleurs les moins chers. On ne parle plus de productivité, mais de compétitivité...

Puis, de concertation rimant avec compétition, on est passé à une pseudo concertation ne rimant plus qu'avec concessions. Plus question de redistribuer quoique ce soit en avancées sociales. Juste tenter de sauver quelques "conquis" sociaux, en essayant de picorer quelques miettes.

Le gouvernement Michel vient d'achever définitivement la concertation sociale. La boucle est bouclée. On est revenu à une situation d'avant guerre. Une situation où ce ne sont plus les patrons et les syndicats qui décident de la manière dont il faut redistribuer les richesses produites (par les travailleurs), mais où c'est le gouvernement désormais, en accord avec les patrons, qui va imposer le cadre. Les travailleurs n'ont plus rien à dire!

L'exemple du Comité National des Pensions (CNP) est à cet égard éloquent. Le gouvernement, dans un show médiatique, présente le CNP comme l'équivalent du CNT, cet organe mis en place pour redistribuer les richesses après la seconde guerre mondiale.

C'est d'ailleurs le Président du CNT, Paul Windey, qui préside également le CNP.

Tout dans la symbolique.

Avec l'immense différence, comme le signalait lui-même, un peu gêné, Paul Windey, que le CNP n'est pas une bi partite (patrons-syndicats), mais une tri partite (patrons-gouvernement-syndicats), où l'esprit sera "l'accord de gouvernement, rien que l'accord de gouvernement"!

Pourtant, les richesses ont continué à être produites en Belgique. En 30 ans, le PIB a été doublé. Et les gains de productivité ont continué à être engrangés. Mais par les patrons uniquement.

La Belgique reste dans le peloton de tête mondial en termes de productivité. Mais il n'est plus question de redistribuer quoique ce soit vers les travailleurs.

Dans le débat sur les pensions, lorsque le gouvernement prétend qu'il n'est plus possible de financer les pensions légales, il ment sciemment. Les richesses explosent dans le pays. Et il est tout à fait possible d'augmenter les salaires et les pensions pour sortir le pensionné sur 5 du seuil de pauvreté, pour en finir avec les discriminations envers les femmes, pour créer des emplois de qualité pour les jeunes et pour ne plus entendre parler de travailleurs pauvres.

Mais il faudra alors revenir à la définition initiale de la concertation sociale. Celle où on redistribuait les gains de productivité. Et de cela, ils ne veulent plus entendre parler...

Je rappelais qu'à la sortie de la seconde guerre mondiale, lorsque les bases de la concertation sociale sont posées, les patrons et le gouvernement avaient besoin des travailleurs pour reconstruire le pays et relancer l'économie.

J'ai oublié de rappeler qu'en plus d'avoir besoin des travailleurs, les patrons et le gouvernement avaient peur des travailleurs.

Aujourd'hui, si les patrons et le gouvernement ont toujours besoin des travailleurs pour relancer et faire tourner l'économie, ils n'ont plus peur des travailleurs. La peur a changé de camp.

Si nous ne voulons pas tout perdre, pour les jeunes et pour les anciens, et si nous voulons revenir à de réelles conquêtes sociales, comme la réduction collective du temps de travail, avec maintien du salaire et embauche compensatoire, nous n'avons pas d'autre voie: Faire changer la peur de camp!



03/07/2015
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