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Pensions capitalisées: quand un ministre libéral fait la démonstration de la faillite du système capitaliste

Propositions du Ministre des pensions de toucher au rendement garanti sur les pensions complémentaires (12.9.13)

Quand un Ministre libéral fait la démonstration de la faillite du système capitaliste !

La FGTB a réagi vivement aux propositions du ministre De Croo de toucher à la garantie de rendement garanti (3.25% minimum) sur les pensions complémentaires.

Bien que faisant l’objet de nombreux débats, la loi sur les pensions complémentaires (LPC) bétonneaujourd’hui une série de garanties pour les travailleurs en matière de pensions complémentaires, et notamment un rendement garanti, quelle que soit la situation des marchés financiers.

Actuellement, un travailleur qui cotise pour un second pilier doit retoucher, à termes, ce qu’il a cotisé,et reçoit en plus un rendement de minimum 3.25%.

 

Cette loi prévoit également que l’employeur doive prendre à sa charge le déficit éventuel en cas de différence entre le taux garanti de 3.25% et les taux du marché.

Si les marchés se cassent la figure, l’employeur doit couvrir la différence ! Mais le travailleur doit toucher son dû. C’est essentiellement pour cela que les organisations syndicales, après de vigoureux débats, ont finalement accepté, fin des années 90, de rentrer dans le système de pensions capitalisées.

Les employeurs, évidemment, n’ont pas accepté le deal gratuitement. En contre partie de cette responsabilité, ils reçoivent des avantages fiscaux et parafiscaux particulièrement juteux par rapport à une augmentation salariale.

Au lieu de payer environ 45% de cotisations sociales et 30% de précompte sur un salaire moyen, l’employeur ne doit payer que 8.86% de cotisations sociales et de 0 à 4.4% de précompte sur une pension capitalisée. Un avantage conséquent pour l’employeur (au détriment de la sécurité sociale et des services publics).

 

Or, dans sa proposition, le Ministre libéral des pensions veut supprimer cet acquis des travailleurs et en finir avec ce taux garanti de 3.25% minimum.

Après avoir lancé son ballon d’essai, le Ministre des pensions, dans un communiqué paru le même jour, dément ensuite l’information. Il n’aurait pas dans l’intention de toucher au rendement garanti en le liant aux taux obligataires… on l’aurait mal compris…

Pourtant, dans sa déclaration de politique générale du 21 décembre 2012, le Ministre avait déjà annoncé la couleur. Il souhaitait d’une part généraliser les pensions complémentaires en transformant des acquis tels que des jours de congé, des heures supplémentaires, des primes… en pensions capitalisées (Sic). Mais il écrivait également en décembre 2012 vouloir « moduler la garantie de rendement ».

Le démenti du Ministre est d’autant plus surprenant qu’une proposition écrite a d’ailleurs été formulée par son cabinet et déposée dans un avis au Conseil National du travail (CNT), pour toucher au rendement garanti.

La formule proposée par le Ministre lui a d’ailleurs été soufflée par un de ses collègues libéraux, le gouverneur de la BNB, Luc Coene ; cette formule consistant en un pourcentage des obligations linéraires (OLO) à 10 ans.

Concrètement, cela veut dire pour les travailleurs qu’en lieu et place de recevoir ce qu’ils ont cotisé plus un rendement garanti de 3.25%, ils recevront une pension complémentaire qui pourra être inférieure à l’inflation, voire bien moins encore (la magie des marchés…).

Alors qu’avec une pension légale par répartition (dite premier pilier), non seulement vous êtes certains de toucher votre pension sans être tributaire des marchés, mais cette pension est par ailleurs constituée sur les salaires qui eux sont indexés.

On comprend mieux encore l’acharnement du monde patronal à vouloir casser l’index !

Nous avons donc un Ministre libéral qui fait la démonstration de la faillite du système libéral, de l’échec retentissant des pensions privées par capitalisation et de l’incapacité des marchés financiers à assurer une pension décente aux travailleurs…

Pourquoi le Ministre en est-il arrivé là, obligé de désavouer la fameuse théorie (légende ?) de la main invisible qui autorégule les marchés ?

Et bien d’une part parce que malgré tous les tours de passe-passe possibles, impossible de masquer la déroute des marchés financiers et les ravages causés par la spéculation (notamment) depuis 2008. Ce sont des centaines de milliards de pensions capitalisées appartenant aux travailleurs qui se sont envolés en fumée. Les fonds de pensions hollandais, modèle qui a inspiré le système belge, ne s’en sont pas remis et ont diminué les niveaux de pensions des travailleurs. Tout comme les centaines de milliers de pensionnés américains qui ont du reprendre le boulot à 70 ans, privés de pensions capitalisées.

 

Et la situation en Belgique n’est guère plus florissante. Entre 2008 et 2010, des centaines de millions se sont également envolés, faisant fondre les réserves des organismes de pensions privées.

Mais le Ministre des pensions devait également agir pour protéger les employeurs. En effet, comme expliqué ci-avant, dans la loi actuelle, ce sont les employeurs qui couvrent les déficits éventuels en cas de rendements de marché inférieurs au rendement garanti de 3.25%.

 

Sans oublier la pression terrible des assureurs privés, incarnés par Assuralia, qui auraient beaucoup à perdre si les employeurs ne privilégiaient plus les pensions privées.

 

Il convient encore de noter que le ministre des pensions, au-delà de sa volonté de toucher au rendement garanti, a déposé au Conseil National du Travail (CNT) une proposition soi-disant liée à l’harmonisation ouvrier/employé en ce qui concerne le volet second pilier. Dans cette proposition de loi, le Ministre propose notamment la création de fonds multi sectoriels chargés d’organiser les pensions capitalisées.

 

Derrière cela se cache évidemment la volonté du Ministre d’immuniser les employeurs de leurs obligations de devoir couvrir les déficits éventuels, à charge du fonds d’essuyer les plâtres.

Et si le fonds multi sectoriel ne peut pas assumer, il est déjà évident que l’Etat sera amené à compenser, tout comme cela se fait déjà actuellement aux Etats-Unis à travers le programme TARP.

La collectivité a déjà payé pour « sauver » les banques, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Derrière la proposition du Ministre, la volonté de faire éponger les dettes des pensions privées par l’Etat pointe dangereusement…

 

Quel aveu de faillite pour les disciples de Friedman qui plaident depuis toujours pour moins d’Etat et de services publics !

 

Une chose est certaine, la position de la FGTB est très claire sur le sujet :

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D’une part, la FGTB refuse que les garanties vis-à-vis des travailleurs reprises dans l’actuelle loi sur les pensions complémentaires soient touchées : rendement garanti, responsabilité finale des employeurs, règles prudentielles, etc
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Si des acquis des travailleurs devaient être touchés, notamment le taux garanti, c’est-à-dire si le Ministre permet aux employeurs de ne plus devoir couvrir les 3.25%, il n’y aurait plus aucune raison pour que les employeurs continuent à bénéficier des avantages fiscaux et parafiscaux sur les cotisations second pilier, qui devraient être transférés pour le renforcement des pensions légales par répartition !

 

En Belgique, en 2013, 24% des pensionnés vivent sous le seuil de pauvreté, dont une large majorité de femmes. Avec 45 annuités  nécessaires pour toucher une pension complète, le niveau des pensions belges est le plus bas d’Europe.

Ce n’est donc qu’en renforçant le premier pilier de pensions par répartition, seul pilier solidaire immunisé des risques des marchés financiers, que l’on parviendra à sortir des logiques de précarité.

Dans le cadre du mandat défini par le Bureau fédéral de la FGTB, une évaluation des pensions capitalisées devra ainsi être organisée dans les prochaines semaines.

 

Jean-François Tamellini

Secrétaire fédéral FGTB

 



12/09/2013
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