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Surréalisme ou pure et dure réalité - Le PS a trahi les travailleurs

Surréalisme ou pure et dure réalité ?

 

 

Il y a quelques jours, l’émission « envoyé spécial » proposait un reportage sur le comté de
Jefferson, Alabama, aux Etats-Unis… Etats-Unis d’Amériques, Etats de la démesure, où tout semble disproportionné, poussé à l’extrême, quasiment surréaliste…

 

On découvre dans ce reportage un comté au bord de la faillite, incapable de payer ses fonctionnaires
condamnés à trouver des petits boulots à presque 70 ans, contraint de licencier 1/3 de ses fonctionnaires, présentant des locaux publics déserts contrastant ensuite avec des files interminables aux derniers guichets restés accessibles à une population résignée…

 

A la base de cette situation, un emprunt de 280 millions de dollars contracté en 2006 pour remplacer le réseau d’égouttages. Un emprunt courant, qui pourtant, suite à la crise et par
le biais d’intermédiaires financiers va se transformer en une ardoise de… 4 milliards de dollars !

 

Catastrophe pour le comté, qui se retrouve immédiatement en cessation de paiements et sacrifie ses
fonctionnaires et ses pensionnés. Le comté entame une action juridique pour tenter un arrangement à l’amiable. Résultat des courses : un compromis sur 3 milliards, toujours impayable ; désignation d’un liquidateur appelé à comptabiliser les biens publics du comté qui  servirontà rembourser les créanciers…

 

Toujours en Alabama, gros plan sur la ville de Prichard, dont le fonds de retraite (privé) n’a pas
survécu à la crise financière. La plupart des dirigeants de la ville sont en prison ou mis en examen pour mauvaise gestion. On découvre ainsi la dure réalité de ce fonctionnaire retraité, obligé à 67 ans de reprendre un job de vigile dans un centre commercial. 6 jours sur 7, à un salaire de 10
dollars/heure.

 

Après avoir intenté une action en justice, un accord est finalement trouvé par la ville :
paiement du tiers des montants de retraites dus. Parmi les retraités concernés, certains n’ont d’autre issue que le suicide….

 

On apprend à l’issue du reportage que l’Illinois, le New Jersey, le Colorado ou encore New York,
également confrontés à une faillite du fonds de retraites pour leurs fonctionnaires observaient attentivement le jugement prononcé à Prichard. Le fonctionnaire interviewé n’hésite pas à parler de laboratoire, aux conséquences désastreuses ! Laboratoire des politiques et solutions libérales à
l’échelle d’une ville, d’un comté, d’un Etat…

 

Surréaliste ?

 

Le reportage nous emmène ensuite dans la ville de Detroit, ancien fleuron mondial de l’automobile,
aujourd’hui confronté à un taux de chômage de + de 50%. Les dirigeants sont également englués dans une situation inextricable à nouveau liée à une gestion calamiteuse des fonds publics sacrifiés sur l’autel des marchés financiers.

 

On y découvre une ville dévastée, dont les rues sont défigurées par les centaines de maisons
désaffectées qui brûlent les unes après les autres. 500 incendies d’habitation par mois. Et pourtant les moyens pour les services de pompiers ont été amputés et réduits à leur plus simple expression, contraignant les femmes et hommes du feu à assister souvent impuissants à la destruction de la ville.

 

Décision des autorités pour faire face à cette situation, tenant compte des contraintes budgétaires :
choisir les quartiers dont il faudra se « débarrasser », c’est-à-dire les quartiers qui ne seront plus alimentés par l’éclairage public, qui ne seront plus entretenus, où les forces de l’ordre n’interviendront plus… des quartiers entiers destinés à devenir des zones fantômes.

 

Évidemment, les zones sacrifiées sont celles socio-économiquement les plus défavorisées. L’est de
Détroit sera bientôt une zone franche…

 

Coup de projecteur sur cette pensionnées isolée qui se demande ce qu’elle va devenir et combien de temps elle pourra tenir…

 

Surréaliste, vraiment ?

 

Cette image du laboratoire m’a d’autant plus frappé que je reviens de Grèce, où nous avons rencontré le syndicat grec du Métal (la POEM), dont les représentants, à bout de force pour
certains, ont utilisé la même expression. Ils sont persuadés de servir de laboratoire, à l’échelle d’un pays cette fois, pour la mise en œuvre des pires politiques de droite qui soient. Un chili du 21ème siècle, avec les technocrates de Goldman-Sachs en lieu et place de Friedman et ses chicago boys…

 

Les grecs sont aux abois. La population souffre dans sa chair. Les jeunes s’enfuient, comme en période de guerre. Réduction des pensions de 700 à 330€ nous explique notre Camarade Yanni
en prenant l’exemple de sa mère. Les travailleurs des services publics décimés, perdant 50% de leurs revenus. Des taxes exceptionnelles, que l’Etat couple aux factures d’électricité afin de s’assurer de pouvoir les ponctionner. En cas de non-paiement, l’électricité est coupée sur le champ. Des taxes de 300€ sur des factures initiales de 30€, répétées plusieurs fois d’affilée, saignant à blanc
les ménages, tuant littéralement les plus faibles. Des plans d’austérité pour rembourser des dettes aux banquiers, des dettes qui n’en finissent pas de grimper, des intérêts exponentiels insupportables… pourquoi faire ? pour quel résultat ?

 

Le cas de Jefferson, de Prichard ou de la ville de Détroit sont-ils si surréalistes que cela ?
Peut-on vraiment encore parler de docu fiction propres à des réalités US inexportables sur le vieux continent ?

 

Je n’en ai malheureusement pas l’impression. Les grecs en crèvent en ce moment. Et en Belgique ? La Belgique n’est-elle pas le pays du surréalisme, ce mouvement immortalisé par Magritte, né, rappelons-le, des absurdités de la première guerre mondiale…

 

Comment ne pas envisager le pire lorsque l’on constate les accords dramatiques conclus ces dernières semaines par des partis de « centre-centre » selon le formateur, président du défunt parti socialiste. Des accords toxiques télécommandés par les agences de notation et les marchés financiers, où les politiques sociales n’ont définitivement plus leur place, rayées de la carte comme ces quartiers de Détroit partis en fumée…

 

Un accord institutionnel qui, pour scinder 3 initiales, creuse la tombe d’une Wallonie dénuée de leviers pour recréer des emplois, et sacrifie probablement une région de Bruxelles qui méritait tellement plus qu’une simple enveloppe. Un accord budgétaire qui, pour rassurer les financiers, sacrifie les chômeurs et reporte encore un peu plus la mise au travail des jeunes, poussant les régions en déficit d’emplois dans ce gouffre dont elles ne se relèveront pas.

 

Parce que dans quelques mois, lorsque les communes se réveilleront avec cette gueule de bois au goût amer de Dexia, il ne restera plus rien pour sortir de ce trou. Demandeurs d’emplois
sanctionnés, CPAS engorgés, prépensionnés empêchés, pensionnés truandés, quelle issue pour garder un tant soit peu de dignité ? Communes exsangues, Région au taquet, Etat fédéral ligoté et inféodé aux marchés financiers, point de salut dans un filet désormais déchiré…

 

Le pacte conclu après la seconde guerre mondiale entre partenaires sociaux avait mis en place ces
mécanismes redistributeurs de richesses que sont les services publics et la sécurité sociale. Deux mécanismes basés sur la solidarité. Il n’aura pas fallu de bombe pour les faire exploser, juste des actifs toxiques et des ordres boursiers…

 

Allocations familiales communautarisées, qui diviseront bruxellois et affaiblissent déjà la caisse de
solidarité ; pensions des agents publics rabotées, sous prétexte du vieillissement, avec des soins de santé rabotés… parce que nos  « vieux » sans doute auront moins besoin de se soigner si ils en viennent aussi à devoir se suicider…  

 

Les alibis ne manquent pas aux pantins du libéralisme et à ceux qui veulent à tout prix garder le pouvoir pour justifier leurs forfaits et ces foutus plans d’austérité : privatisations, sanctions des agents publics, réductions des allocations de chômage et suppression des prépensions pour faire face à l’explosion de la dette publique ; « modernisation » du marché de l’emploi pour faire
face aux défis du vieillissement ; diminution des « charges » de l’Etat pour délester ce fardeau soi-disant posé sur le dos de nos jeunes…

 

Il aurait suffi de leur répondre à ceux-là que si la dette a explosé, ce n’est que pour renflouer les
banques privées, renflouer leurs pertes pourtant déjà tant de fois remboursées par des travailleurs exploités. Que la réponse au vieillissement passe par des prépensions renforcées, par une liaison au bien-être bétonnée, un premier pilier de pensions solidaires financé par un capital sempiternellement dédouané.

 

Il aurait fallu leur dire que la seule responsabilité que nous avons vis-à-vis de nos jeunes réside dans le fait de cesser cette fuite en avant, cette course folle qui les mènera inexorablement vers la prochaine crise, qu’ils devront payer comme leurs parents l’ont fait.

 

Il aurait fallu leur dire qu’un Etat ne fait pas faillite, mais que des systèmes eux peuvent s’écrouler ;
leur rappeler que c’est leur système libéral qui a faillite et que c’est bien à lui de se faire liquider…

 

Pourquoi avoir choisi cette voie sans issue alors qu’il suffisait de changer de route, de simplement
bifurquer : la première à gauche, après la banque et juste avant le fossé…

 

Il sera trop tard pour s’en rendre compte lorsque les marchés viendront à nouveau sonner le glas d’une jeunesse désabusée.

 

Surréalisme ou pure et dure réalité ?



28/11/2011
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