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Bilan du gouvernement fédéral, projet de société de la FGTB et indépendance syndicale

1er février 2014

J'étais invité vendredi soir par le mouvement de gauche à m'exprimer dans une assemblée citoyenne organisée à La Louvière sur le thème de l'austérité. Ce samedi, ce sont les organisateurs de VEGA qui m'invitaient à m'exprimer sur les luttes syndicales lors de leur assemblée de fondation à Charleroi.

Weekend résolument anticapitaliste. L'occasion de revenir sur le bilan des politiques gouvernementales et leurs conséquences sur les travailleurs, sur le projet de transformation radicale défendu par la FGTB, mais également sur l'indépendance syndicale...

Je reprends ici quelques uns des arguments développés:

 

Préalable indispensable rappelé lors de mes deux interventions: l'indépendance syndicale...

Le rôle de contre pouvoir assumé par la FGTB lui impose un principe évident d'indépendance syndicale. Notre rôle, en tant que syndicalistes, vise à défendre les intérêts des travailleurs sur base du projet de société décidé par le Congrès de la FGTB. Un projet de transformation radicale de la société, résolument anticapitaliste.

Il ne nous appartient dès lors pas, en tant que syndicalistes, d'appeler à voter pour l'un ou l'autre parti. Seule nuance prévue dans nos statuts, l'incompatibilité totale de nos valeurs vis-à-vis des partis d'extrême droite.

Je me réjouis néanmoins que des partis s'organisent à gauche pour proposer une alternative au capitalisme, mettant par la même occasion la pression sur les partis qui se disent défenseurs des travailleurs, mais qui sont devenus esclaves des marchés financiers et autres agences de notation.

Mais les choses sont très claires pour moi: ce sont les travailleurs qui permettront de changer de société, pas les partis.

Il nous sommes dès lors tenus, en tant que responsables syndicaux, de travailler en interne pour convaincre ceux qui doutent de notre capacité à pouvoir changer le système. Convaincre ceux qui ont peur, ceux qui se sont laissés, en nos propres rangs, enfumer par le mirage capitaliste, que les richesses sont bel et bien créées par les travailleurs et qu'il convient à ce titre de nous ré approprier ce qui nous appartient.

Je suis alors persuadé, lorsque nous aurons réussi à nous recentrer sur nos positions anticapitalistes au sein de la FGTB, que les partis qui se disent de gauche s'aligneront sur le projet de transformation de société défendu par la FGTB et je l'espère globalement par l'ensemble des travailleurs. Les discours de Dominique Cabiaux, Secrétaire fédéral de la CSC services publics qui s'exprimait à mes côtes vendredi, et de Charles Beuken, Secrétaire de la CNE Liège, qui était à mes côtés samedi, s'inscrivaient dans cette direction.

 

Crise, austérité, politiques menées par le gouvernement... Bilan

Tout d'abord, répéter que ce qui s'est passé en 2008 n'est que la conséquence des politiques menées depuis la fin des années 70. Résumer le problème à l'explosion des subprimes en 2008 est une erreur.

L'explosion de 2008 n'est que le cheminement inéluctable, la résultante inévitable des politiques initiées notamment depuis la fin des années 70 par Reagan et Thatcher, qui visaient à placer le capital au centre du système.

À partir de la fin des années 70, ceux qui défendent la thèse du "capital qui crée les richesses" prennent la main et imposent leurs lois, détruisant tour à tour tout ce qui les empêche de développer le capital: Privatisation des services publics pour capter les masses financières immunisées des marchés financiers. Privatisation de la dette publique à travers l'obligation imposée aux états de se financer auprès des banques privées à des taux exorbitants plutôt que de se financer auprès des banques centrales. Mise en concurrence des travailleurs, qui deviennent les variables d'ajustement permettant d'accroître les profits des actionnaires. Réformes fiscales en faveur du capital et des grandes entreprises faisant la part belle à l'évasion fiscale et aux mécanismes spéculatifs. Mise sous tutelle des États via le TSCG. Ravages à venir du Traité transatlantique...

En Belgique, la mise en œuvre de ces politiques libérales se traduit notamment par les sauts d'index dans les années 80, les pouvoirs spéciaux, le plan global, l'index santé amputant notamment la composante énergétique, le pacte des générations, l'exclusion des chômeurs... Et demain?

De manière générale, le rapport capital/travail bascule en faveur du capital... En Belgique, le cap est passé en 2007 (Part des salaires dans le PIB belge oct 2007)

L'écart entre riches et pauvres atteint des sommets, concentrant les richesses dans les mains d'une poignée pendant que la masse s'appauvrit encore!

Quelques mois plus tard, après avoir poussé toujours plus loin la déconnection entre l'économie réelle et l'économie financiarisée à travers la spéculation, le système se fracasse, totalement gangrené par des actifs toxiques qui se sont répandus dans l'ensemble du système bancaire. Le cancer est généralisé. Les métastases sont partout...

En 2008, le porte paroles flamboyant à l'époque du capitalisme, Sarkozy, président de la France, appelle dans un discours à Toulon à la nécessité de "moraliser la finance", d'en finir avec la spéculation à outrance (Discours de Sarkozy - Toulon 2008: moraliser la finance) Il balaye d'un revers de la main les fondements même du système libéral, la fameuse main invisible sensée équilibrer les marchés, en réclamant une intervention massive des pouvoirs publics pour sauver les banques privées et le système financier.

Ceux qui nous avaient fait bouffer de la dérégulation à toutes les sauces depuis 30 ans réclament l'intervention de l'Etat...

L'origine du problème, sa cause fondamentale, est alors évidente: la déconnection totale entre l'économie réelle et l'économie financiarisée amenée par la spéculation a conduit à une répartition des richesses totalement disproportionnée en faveur du capital. Confrontés aux mouvements sociaux limitant l'exploitation des travailleurs, les représentants du capital ont inventé des techniques de spéculation pour favoriser des profits sur du vent.

L'explosion de 2008 aurait dû amener à traiter l'origine du problème, à en finir avec la spéculation (comme le réclamait Sarkozy) et mieux redistribuer les richesses...

Qu'a fait le gouvernement fédéral, à l'instar des autres gouvernements des états d'Europe?

Plutôt que de s'attaquer aux causes du problème, le gouvernement s'est attaqué aux victimes du système. L'objectif étant clairement de sauver le système, pas les citoyens!

Selon le gouvernement, tout va bien, la situation est stabilisée vis-à-vis des marchés financiers.

Les agences de notation sont contentes, les actionnaires aussi, les idéologues libéraux également vu le degré de soumission qu'ils ont réussi à imposer.

Mais examinons la situation du point de ceux que nous représentons:

- Travailleurs: les licenciements explosent, à grands coups de projecteurs dans les grands bastions, mais avec une lame de fond aussi terrible dans l'ombre pour des milliers de travailleurs de PME. Les salaires sont gelés à 0% pour une durée indéterminée (effet TSCG). L'index, déjà amputé en 1993, est encore trafiqué. Et en ce qui concerne les conditions de travail, la fin des prepensions amène une explosion des dépenses d'invalidité et des statistiques inquiétantes au niveau des accidents de travail et maladies professionnelles chez les travailleurs plus âgés.

Si tout va bien selon le gouvernement, ce n'est certainement pas pour les travailleurs!

- Pensionnés: 24% des pensionnés vivent sous le seuil de pauvreté. Dont une majorité de femmes. Ceux qui sont propriétaires ne sont pas épargnés vu les coûts d'entretien des maisons et les coûts énergétiques, et plus globalement vu le coût des soins de santé.

Si tout va bien, ce n'est donc pas non plus pour les pensionnés. D'autant que le gros mensonge du gouvernement concernant la soi disant augmentation du pécule pour les pensionnés (et invalides) obtenue en septembre dernier va bientôt éclater. En refusant d'appliquer l'accord sur l'adaptation du crédit d'impôt pour les pensionnés, ce que l'état a donné d'une main, il va le reprendre dans quelques mois via l'impôt. Un scandale!

- Chômeurs: au 1er janvier 2015, 55.000 chômeurs seront jetés à la rue... Des milliers d'autres verront leurs allocations rabotées... Parmi eux une majorité de jeunes. À l'heure où le chômage explose et où les perspectives d'entrée sur le marché du travail sont de plus en plus hypothétiques.

Si tout va bien, ce n'est pas non plus du côté des chômeurs ou des jeunes...

- Migrants: le gouvernement, qui va donner des leçons en matière de droits de l'homme aux iraniens à l'ONU, a été condamné 5 fois ces deux dernières années pour traitement inhumain. Il ne respecte pas les conventions internationales en renvoyant des réfugiés dans des zones où ils risquent leurs vies. Un afghan renvoyé par le gouvernement belge s'est récemment fait tuer.

Alors si tout va bien selon le gouvernement, ce n'est certainement pas non plus pour les immigrés.

Le bilan des politiques menées par le gouvernement est catastrophique sur le plan social.

Mais peut être alors que cette austérité a tout de même permis de s'attaquer aux causes du problème, pour ne plus que cela recommence...

Selon Le Monde (décembre 2013 Le niveau des produits dérivés dépasse celui d'avant 2008 (le Monde décembre 2013) le niveau des produits dérivés (les mêmes qui ont conduit à l'explosion de 2008) est supérieur à celui d'avant crise: 693.000 milliards contre 684.000 milliards au premier trimestre 2008. Dix fois l'équivalent du PIB mondial contre trois fois il y a 15 ans. La déconnection entre économie réelle et économie financiarisée est totale et continue à se creuser.

L'écart entre riches et pauvres atteint de nouveaux records. 85 personnes détiennent l'équivalent du patrimoine de 3,5 milliards d'êtres humains!

En Belgique, 20% de la population détient 62% du patrimoine belge, pendant que les 20% les plus pauvres se partagent 0,2% du patrimoine!

Les besoins des banques européennes, et la Belgique n'y échappe pas, continuent à s'accroître, malgré les milliards réinjectés par la collectivité pour sauver le système bancaire. Plus de 20 milliards nets donnés aux banques belges, et 328 milliards d'aides consenties par les autorités pour ces mêmes banques entre 2008 et 2011. Sans parler du gouffre Dexia, dont les garanties sur le dos de l'état belge (et donc des citoyens) pèsent très lourdement (30 à 40 milliards)

Avec un effet direct sur la dette publique, qui demeure à des niveaux astronomiques.

Le Ministre de l'économie fédéral, Johan Vande Lanotte, déclarait le 23.12.13, il y a un mois, qu'il constatait la présence massive de produits toxiques en Irlande et au Luxembourg et qu'il était préoccupé pour les banques belges... (Vande Lanotte: retour des produits toxiques - décembre 2013

Ce matin, on apprend qu'une bulle de crédit de 29%, alimentée via le shadow banking (rappelant étrangement ce qui s'est passé en 2008) suscite toutes les préoccupations en Chine (http://www.project-syndicate.org/commentary/andrew-sheng-and-geng-xiao-say-that-chinese-policymakers-must-unify-the-country-s-official-and-shadow-interest-rates-without-torpedoing-the-economy)

Il convient donc de constater que le gouvernement belge, au lieu de s'attaquer aux causes du problème, s'est contenté de frapper lourdement les travailleurs et les allocataires sociaux pour sauver les banques et les profits des actionnaires. Sans nullement assainir la situation économique globale, mais en ré amorçant la pompe spéculative.

Seule conséquence: l'écart entre les riches et les pauvres explose, avec toujours plus de précarisation des travailleurs et des allocataires sociaux.

Il convient de constater que malgré cela, il n'y a pas eu de réaction suffisante des mouvements sociaux, à commencer par les syndicats, permettant d'exiger un réel changement de cap. Des actions ont été menées, mais sans jamais viser d'objectifs réellement anticapitalistes...

La seule question à se poser est celle de savoir qui crée les richesses.

Ceux qui défendaient la thèse du capital qui crée les richesses ont démontré que cette voie est sans issue pour les travailleurs et les 99% de la population.

Ce sont les travailleurs qui créent les richesses. Sans travailleur, rien n'est possible. Alors que sans actionnaires, nous nous en sortirions fort bien!

L'heure est venue de reprendre les rênes. Le projet de société défendu par la FGTB s'inscrit dans cette voie. À travers une autre répartition des richesses. En nous réappropriant ce qui nous revient. En salaires pour les travailleurs et à travers les services publics et la sécurité sociale fédérale pour assurer la solidarité.

La fiscalité est un instrument essentiel à cet égard. Pour rappel, le Spf finances a repéré 104 milliards€ provenant des entreprises belges dans 30 paradis fiscaux (http://www.dhnet.be/actu/economie/le-fisc-a-repere-2-3-milliards-d-euros-payes-a-des-paradis-fiscaux-en-2012-52e366273570d7514c29635f)

L'équivalent de 10 années de réductions de cotisations sociales et de cadeaux fiscaux offerts aux patrons. La preuve que ces cadeaux qui font très mal à la collectivité ne servent qu'à grossir les profits des patrons.

Il est grand temps de reprendre ce qui nous appartient.

Il est grand temps de convaincre ceux qui doutent encore en nos rangs de la nécessité de faire tomber le capitalisme!



02/02/2014
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