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Des gilets pare balles pour faire grève? (grève nationale 24/06/16)

Il est 4 heures du matin, je suis très fatigué mais pas moyen de dormir. Je pense que je réalise seulement que cela aurait pu très mal tourner hier matin sur le piquet de grève à Frameries...

 

La journée avait commencé très tôt, vers 5h du matin. Et celle d'avant s'était terminée très tard.. Juste deux ou trois heures de sommeil au compteur. Comme la plupart des délégués et Permanents que je croiserai durant la journée. Une grève nationale, ça se prépare...

 

J'avais prévu de faire le tour des piquets. En commençant par le Borinage, vu que j'habite Frameries. Puis je pensais passer dans le Centre, le Brabant wallon, et terminer sur Charleroi... Envie de passer voir les Camarades de Liège, Verviers, Luxembourg, Bruxelles, Tournai ou même Anvers évidemment. Et bien d'autres encore qui luttent comme des lions... Mais   physiquement pas possible. Une autre fois...

 

Pas pour être vu ou pour parader. Pas mon truc les projecteurs ou la représentation. Juste envie de voir les Camarades pour les saluer et leur dire qu'on doit continuer à se serrer les coudes. Que le combat est compliqué. Mais qu'il est juste et indispensable, et que c'est unis qu'on le mènera à bien.

 

Je sais pertinemment ce que j'entendrai comme discours. Des mots durs et sans concessions. Les critiques sur la structure qui ne nous entend pas. Le fait que les travailleurs en ont marre de perdre du fric pour des actions qui n'aboutissent pas. Que les fins de mois commencent le 2 de chaque mois à présent. Qu'il faudrait peut-être que les apparatchiks de Bruxelles se souviennent de ce que c'est que d'avoir faim pour pouvoir vraiment se bouger. "Dis leur à la rue Haute qu'on en a marre, qu'il faut écouter la base et ne plus chipoter avec ce gouvernement et ces patrons qui veulent nous faire crever".

 

Mais je sais aussi qu'après avoir passé leurs messages, je lirai sur leur visage et dans leur regard qu'ils ne lâcheront rien. Qu'ils resteront en première ligne du front pour défendre leurs Camarades et leurs enfants. La solidarité, ils sont pour la plupart tombés dedans quand ils étaient petits. Ou c'est venu plus tard pour d'autres. Mais ils en connaissent tous la vraie définition. Pas celle qu'on lit dans les livres ou dans de belles résolutions. Celle qui se construit chaque jour sur le terrain et qu'on ressent dans ses tripes. Celle qui donne le vrai sens à notre combat!

 

C'est difficile de faire grève. Celui qui pense le contraire n'a jamais mis un pied dans un piquet!

 

Se lever à 4 heures du mat ou parfois bien plus tôt pour tout préparer. Se faire insulter par ceux qui nous traitent de fainéants. De terroristes par des patrons qui n'hésiteront pas à virer les CDD, les intérimaires ou même des délégués qui ont osé faire valoir leur droit de grève. Se faire foncer dedans par des automobilistes prêts à vous écraser pour quelques euros. Qui ne changeront rien à leur condition d'exploité.

 

Ce matin, on n'y a à nouveau pas échappé. Nous n'étions qu'une poignée à l'entrée du zoning du Crachet. Juste un piquet filtrant. Les entreprises structurées étaient à l'arrêt. On laissait passer les petits indépendants en leur expliquant néanmoins qu'on avait tous intérêts à être solidaires parce qu'à force de se faire saigner, on n'aurait plus un balle à dépenser chez eux non plus. Cette dame diabétique qui devait aller chercher son matériel pour se faire soigner. Ce papa qui venait chercher une prothèse avec son fils. Le patron d'une boite qui devait donner un traitement urgent aux personnes qui avaient subi les inondations de la veille...

 

Nous ne sommes pas des irresponsables contrairement aux messages qui passent inlassablement contre les syndicats. Nous cherchons juste à faire valoir les droits des travailleurs. Pas nos intérêts particuliers. L'intérêt de tous, y compris celui de beaucoup qui nous auront insulté, mais qui ne cracheront pas sur l'indexation de salaire, l'augmentation salariale ou le droit à la sécurité sociale auxquels ils n'auraient plus droits sans nos piquets. On ne leur demande pas qu'ils nous envoient une carte postale pendant qu'ils seront en congés payés grâce aux grèves menées par les anciens. Juste qu'ils réfléchissent à ce qu'il y a derrière nos actions et aux enjeux collectifs que nous poursuivons quand nous les menons.

 

Mais hier matin, au delà de tous ces crachats, les choses auraient pu vraiment mal tourner. Une camionette a tenté de forcer le piquet filtrant. Pas question pour lui de s'arrêter pour écouter ce que nous avions à dire. Monsieur avait décidé de ne pas s'arrêter. Quitte à écraser le militant devant lui. Qu'il fera reculer à 3 reprises avec son pare chocs. Lorsque nous nous sommes approchés du véhicule, le conducteur a sorti une arme. Il a pointé le pistolet vers nous en nous menaçant. Puis l'a replacée dans son vide poche. Courage ou inconscience, un Camarade a ouvert la portière passager pour lui prendre ses clés. Le type aurait pu reprendre son arme et nous tirer dessus. Nous étions une vingtaine. Probablement pas assez de balles. Mais nous ne pouvions en tous les cas pas le laisser filer.

La police est arrivée après quelques minutes. Deux policiers de quartier très calmes et qui ont parfaitement géré la situation. Pas fréquent tout de même à mon avis de voir des policiers de quartier enfiler un gilet pare balles. D'autres equipes des forces de l'ordre ont rapidement rejoint leurs collègues pour arrêter le conducteur armé. Chapeau aux policiers pour la façon dont ils ont géré la situation.

 

Mais chapeau aussi et surtout au courage et au calme dont les militants qui étaient sur place ont fait preuve. On venait de pointer une arme sur nous. L'enquête nous dira si elle était chargée. Mais cela aurait pu vraiment mal se terminer sans le calme de nos militants.

 

Lorsque des travailleurs se font braquer et risquent leur vie seulement parce qu'ils défendent des droits collectifs, je pense qu'on peut se dire que le monde devient fou...

 

De tous temps, c'est au nom des intérêts de quelques uns au détriment des intérêts collectifs que les pires méfaits ont été menés et que des vies ont été prises.

 

En défendant le pourcent le plus riche au détriment des 99%, en criminalisant les syndicats, en s'attaquant à la démocratie, le gouvernement nous renvoie aux heures sombres de notre histoire et crée les conditions de violence extrême.

 

Hommage à tous les syndicalistes qui luttent pour un monde meilleur et à ceux qui ont perdu la vie pour défendre nos droits. Pour que cela ne se reproduise plus jamais!



25/06/2016
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